Des Grands Blancs en Méditerranée ???
Voilà un petit moment que je souhaitais faire un article sur le Grand Blanc, et ce pour deux raisons. La première est de démystifier ce formidable animal dont bon nombre de personnes, plongeurs compris, ne connaissent pas du tout, voir seulement au travers de la trilogie de Steven Spielberg, qui malgré son succès, lui a causé tous les méfaits de la terre… et des mers… ;-)
La seconde raison est qu’il apparait qu’un recensement est en cours pour la méditerranée, et qu’aux premiers échos, il contient beaucoup de surprises.
Avant d’en prendre connaissance, faisons un point sur les informations circulant déjà sur la question : « Des Grands Blancs en Méditerranée ?? Non ??? Ben si…. !!! »
Observés et connus en Méditerranée et ses mers limitrophes depuis la plus lointaine antiquité, les grands requins blancs y sont toujours présents aujourd'hui. Cette affirmation, bien que surprenante, s'appuie sur un certain nombre d'observations certifiées réalisées en Méditerranée nord-occidentale. Contrairement à l'idée reçue qui voudrait que ceux-ci soient de plus en plus représentés en Méditerranée, que ce soit suite à l'éventuelle hausse de la température de l'eau ou à l'ouverture du canal de Suez, il ne peut, aujourd'hui, être prouvé que leur nombre ait augmenté ou diminué significativement. Seules des études scientifiques pourraient le démontrer. Le recul indispensable à toute comparaison dans le temps est à ce jour assez court et toute certitude est à écarter. Certains scientifiques se penchent toutefois sur la question mais, en général, aucune urgence particulière n'est donnée à ce type d'étude, ce qui tend à prouver qu'aucun danger nouveau n'est à redouter. Entre 1876 et 2002, seules 254 attaques d'hommes par des grands blancs ont été recensées dans le monde par l'International Shark Attack File, fichier de regroupement des informations. C'est extrêmement faible.
Il semble par contre probable que, leur nourriture de prédilection constituée de phoques et de grands thons rouges ayant pratiquement disparue de Méditerranée, leurs populations ayant été décimées par la chasse et la surpêche, leur nombre ne puisse pas augmenter dans l'immédiat et ait même eu tendance à diminuer depuis quelques siècles. Les conséquences des pollutions chimiques ou par macro-déchets sont aussi à ne pas négliger bien que leurs effets globaux néfastes et certains pour toutes les espèces marines ne soit encore ni quantifiés ni certifiés.
Aujourd'hui, la majorité des observations est réalisée en Italie du sud, dans la région de Malte, en Sicile et en mer Adriatique. Ces régions sont aussi celles où l'espadon (xiphias gladius) - bien que ses populations soient en régression - est encore assez présent et peut fournir avec les thons rouges une alimentation certaine aux Grands blancs. Les observations dans ces régions sont souvent dues à la pêche occasionnelle et non volontaire d'un individu. En Corse, les observations sont d'une ou deux par an. Celles-ci sont régulièrement rapportées par différents pêcheurs ou plaisanciers qui ont parfois la possibilité de ramener une preuve photographique ou une vidéo enregistrée sur téléphone portable. Cette preuve est souvent indispensable car différencier un Grand Blanc d'un requin peau bleu ou d'un poisson lune peut être difficile pour un observateur non averti.
Le fait que de bien plus nombreuses preuves puissent être apportées de nos jours n'est pas du à l'accroissement du nombre d'individus en Méditerranée mais simplement au fait que, contrairement à il y a quelques années, pratiquement tous les navigateurs sont équipés de ce type d'appareil photo ou vidéo. Il y a trois ans dans le golfe d'Ajaccio, une confirmation d’un Grand Blanc a été faite, et quelques vidéos sont occasionnellement mises en ligne sur internet par des navigateurs surpris d'avoir observé un grand animal marin sans, toutefois, savoir de quelle espèce il s'agit.
Sans que cela puisse pour l'instant être toutefois prouvé, l’hypothèse est qu'il semblerait que les Grands requins blancs de Méditerranée soient de taille supérieure à celle de leurs cousins bien connus d'Australie ou d'Afrique du sud. Ils approchent en effet souvent les 6 mètres, les dépassant parfois, mesurant ainsi environ cinquante centimètres de plus que la moyenne mondiale. Cette différence pourrait s'expliquer par le fait qu'une taille supérieure leur permettrait de bénéficier d'une vitesse de nage accrue facilitant la prédation de leurs proies Méditerranéennes (thons, espadons, dauphins...) plus rapides que les pinnipèdes représentant leur nourriture de base dans les océans.
Comme partout, le ventre et la gorge sont blancs, par contre la couleur du dos tire généralement sur le marron contrairement à celle de leurs homologues océaniques dont celui-ci est gris. Cela tend à accréditer la thèse qu'il existe une population sédentaire en Méditerranée.
Cet animal extraordinaire bénéficie d'une publicité trompeuse et tapageuse tout à fait illégitime véhiculée par l'intermédiaire de films et d’une actualité à sensation comme les 2 attaques sur une plage seychelloise bien connue (Anse Lazio), ou les frappes sur les surfeurs réunionnais. Il est certain pour les connaisseurs que ces accidents ne peuvent pas être ceux des Grands Blancs. Loin d'être un monstre assoiffé de sang, il n'est qu'un des plus grands prédateurs marins de tous les temps, nécessaire et indispensable au bon équilibre de la chaine alimentaire marine. S'il côtoie nos rivages de temps à autres, la probabilité de le rencontrer peut être qualifiée de très faible, celle d'une attaque considérée comme nulle.
Parmi les très nombreux ouvrages consacrés au Grand requin blanc de par le monde, je vous conseille la lecture de celui qui se rapporte à l'animal présent en Méditerranée: Le Grand Requin Blanc Sur Les Côtes Françaises, du Dr Allessandro De Maddalena aux éditions Turtle Prod.
Sur le sujet, un documentaire vidéo proposé par Discovery Channel intitulé Jaws of the Mediterranean d’une durée approximative de 40 mins est en ligne, à voir en 6 parties ci-après.
Certes c'est un peu long, mais c'est à voir !
Source: Corsica Mare Osservazione